Jénine: l’Observatoire des violences faites aux femmes poursuit son action malgré la guerre

Lors de notre réunion du 11 juin 2025, Mayssoun Dawoud, responsable de l’Observatoire des violences faites aux femmes de Jénine, nous a fait part de la situation sur place. La population de Jénine continue de subir les conséquences de la guerre : précarité, isolement et fermeture des écoles. Malgré tout, l’équipe reste mobilisée pour soutenir les familles et offrir des espaces de solidarité.

13 juin 2025

La situation à Jénine s’inscrit dans un contexte plus large de violences en Cisjordanie, souvent moins médiatisé que celui de Gaza, mais tout aussi dramatique. Les attaques israéliennes visent non seulement à détruire, mais aussi à empêcher la population de vivre : coupures d’eau, destruction des canalisations, fermeture des check-points. Récemment, les partenaires sur place ont alerté :

Ils n’ont pas fermé Jénine comme les autres fois, mais ils ont fermé les check-points entre les villes, du coup la Cisjordanie est fermée. En plus de cela, ils ont décidé de détruire 90 immeubles dans la région du champ de Jénine. Les deux derniers jours, ils sont très actifs par ici et la destruction devrait commencer aujourd’hui même. On est en panique à cause de tout cela, on espère vraiment un miracle pour que cette guerre finisse. 

Lina Zuher Chargée de projets à l'Observatoire des violences envers les femmes de Jénine

La fermeture prolongée des établissements scolaires, accentuée par la période estivale, a isolé encore davantage les jeunes filles. Pour répondre à ce défi, l’équipe de l’Observatoire a choisi de renforcer ses activités éducatives et de soutien:

Depuis notre retour au bureau, les écoles restent fermées à cause de la saison estivale. Nous en avons profité pour préparer une nouvelle édition de nos summer camps, que nous organiserons deux fois cette année. C’est un moyen essentiel de permettre aux filles de sortir de chez elles et de retrouver un peu de normalité. 

Mayssoun Dawoud Responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Jénine

L’Observatoire développe également une unité économique pour répondre à la détresse matérielle des femmes. La guerre a aggravé la précarité, rendant l’accès à l’emploi et aux ressources encore plus difficile.

La municipalité nous a offert une salle pour approfondir les violences économiques. Les femmes qui viennent nous voir nous expliquent qu’elles n’ont plus d’argent ni de travail, et la situation s’est aggravée avec la guerre. Aujourd’hui, 20 shekels (3/4euros) doivent parfois suffire à nourrir toute une famille pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Les hommes ne donnent plus d’argent aux femmes, ce qui accroît leur vulnérabilité. 

L’unité économique sera inaugurée prochainement, offrant un espace de vente pour les produits artisanaux des femmes.

Le projet « Pour des territoires protecteurs des femmes victimes de violences » permet à l’Observatoire de consolider ses activités de base, mais les besoins restent immenses.

 Le projet FICOL nous a permis de renforcer la clinique juridique, le centre d’hébergement d’urgence, l’unité économique et la création d’un guide d’orientation à destination des victimes. Mais pour continuer à avancer et atteindre nos objectifs, surtout dans le contexte de guerre, nous aurons besoin de plus de moyens.

Face à la hausse des violences, l’Observatoire s’engage aussi dans la création d’une ligne d’écoute dédiée aux femmes victimes, en partenariat avec la brigade des familles et des mineurs.

Nous travaillons actuellement avec la brigade des familles et des mineurs pour mettre en place une ligne téléphonique pour les femmes victimes de violences, y compris le harcèlement de rue. 

Le centre d’hébergement, bien que déjà opérationnel, fonctionne encore à capacité réduite en raison des contraintes sécuritaires.

 Le centre d’hébergement fonctionne déjà, mais il n’est ouvert que quelques heures par jour, en attendant la finalisation du protocole de sécurité avec les forces de l’ordre. Nous espérons pouvoir bientôt l’ouvrir 24h/24.

Enfin, grâce au soutien de la ville, l’Observatoire prépare l’ouverture d’un espace de rencontre sécurisé où les enfants peuvent voir leur père dans un contexte familial marqué par des violences, tout en garantissant la sécurité de la mère et des enfants.

 Nous travaillons toujours à la création d’un espace de rencontre pour les enfants dont le père est violent. La ville nous a offert un local pour cinq ans, et nous allons recenser les besoins pour l’aménager au mieux.

Selon ONU Femmes, plus de 28 000 femmes et filles ont été tuées depuis le début du conflit, soit une femme ou une fille tuée chaque heure, en moyenne. Parmi elles, près de 6 000 mères, laissant derrière elles 19 000 enfants orphelins. Les survivantes sont confrontées à une réalité insoutenable : famine, déplacements forcés, veuvage, conditions de vie inhumaines sans accès à l’eau potable, à l’hygiène ou aux soins. Plus d’un million de femmes et de filles font aujourd’hui face à la famine.

Dans ce contexte d’urgence, l’Observatoire, par son engagement quotidien, incarne un espace de solidarité et de sécurité pour celles qui, chaque jour, luttent pour la survie de leurs familles et de leur communauté.

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